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Tranches de (galettes de) CAKE

cake_lpsCAKE est un de ces rares groupes indés (vivent les éti­quettes) “ven­deurs” qui ne négligent pas leur ligne édi­to­riale musi­cale (et gra­phique, ce qu’on va démon­trer). On peut être diver­tis­sant et exi­geant, pre­mier point. Com­bo cali­for­nien (de Sacra­men­to pré­ci­sé­ment), le groupe jongle avec les cli­chés, tou­jours dans un guille­ret esprit de déri­sion. Le lea­der et song­wri­ter John McCrea est un ori­gi­nal, se dis­tin­guant par ses dif­fé­rents cha­peaux, sa petite gui­tare cheap scot­chée au son nasillard, et son uti­li­sa­tion du vibras­lap, ins­tru­ment à ran­ger du côté des per­cus­sions, trou­vant son apo­gée dans les séries ani­mées de War­ner Bros, entre autres. Aux côtés de notre bary­ton, nous avions pour la pre­mière mou­ture (albums Motor­cade of Gene­ro­si­ty, en 1994 et Fashion Nug­get en 1996) : Greg Brown et ses gui­tares demi-caisses dis­tor­dues grâce à l’u­ti­li­sa­tion d’un petit ampli bon mar­ché repi­qué sur la console (à mi-che­min entre rocka­billy gras et gui­tare surf music à la Dick Dale), Vince DiFiore en maria­chi folk-rock à la trom­pette et aux cla­viers, Vincent Damia­ni à la basse (un fee­ling hors-norme à la Jamer­son et un son sourd, pachy­der­mique au moment où les basses sont à la mode du slap, métal­liques), Todd Rop­per au kit de bat­te­rie mini­ma­liste envoie des grooves ser­rés, dans la tra­di­tion des joueurs de jaz­zette et des pion­niers du rhythm & blues.

L’al­bum que le grand public a rete­nu, c’est Fashion Nug­get, qui conte­nait notam­ment deux reprises ayant fait date, le QuizásQuizásQuizás cubain popu­la­ri­sé par Nat King Cole (et remis au goût du jour par Wong Kar-Wai dans In the Mood For Love) et I Will Sur­vive (dont John McCrea dit en concert qu’elle est “une chan­son éten­dard de nom­breuses sub­cul­tures” et que c’est par là même une chan­son folk, qu’ils ne tournent pas en déri­sion) avant qu’elle ne devienne cette bouillie pour sup­por­ters bour­rés du Stade Fran­çais et par exten­sion de tout le foot­ball fran­çais. Des com­po­si­tions tou­chantes mais trop sou­vent négli­gées émaillent le tout : le désar­mant Friend is a Four Let­ter Word, la harangue fun­ky The Dis­tance, le roman­tique Daria, dont les accents, certes plus iro­niques, rap­pellent les chan­sons tra­di­tion­nel­le­ment asso­ciées aux jeunes femmes (le Peg­gy Sue de Bud­dy Hol­ly, pour n’en citer qu’un).

Bref, dur de résu­mer la pâte du gâteau ! C’est un peu comme si tout le XXe siècle se retrou­vait dans un album de qua­li­té (rock, pro­to-rap, soul, croo­ner song, coun­try, chœurs façon Rub­ber Soul ou Help – le mix des voix sur It’s coming down rap­pelle par exemple tan­tôt Now­here Man ou  The Night Before). Cette sen­sa­tion de vin­tage (l’ar­gu­ment est un peu facile, admet­tons), de musi­ciens sachant réduire leur maté­riel au strict mini­mum, cette impres­sion de voix qui équi­librent la balance en s’é­loi­gnant puis se rap­pro­chant plus ou moins d’un même micro chro­mé, style années 1950. Le son est dense, plein, grave : ici on n’a pas besoin d’être métal­leux, ni  “music with atti­tude”, pour son­ner lourd et mélodique.

CAKE est tou­jours en acti­vi­té, une tour­née a lieu en ce moment aux États-Unis. Depuis, Vic­tor Damia­ni a lais­sé sa place à Gabe Nel­son, Tod Rop­per est par­ti, Greg Brown est rem­pla­cé par Xan McCur­dy, et sont sor­tis des albums intro­dui­sant par­fois de nou­veaux sons (même si la base de CAKE reste assez folk déca­lée) : Pro­lon­ging the Magic (1998), Com­fort Eagle (2001), Pres­sure Chief (2004). De plus, le pre­mier opus, Motor­cade of Gene­ro­si­ty est dis­po­nible chez vos excel­lents dis­quaires en réédi­tion car­ton­née, accom­pa­gnée d’un DVD d’une pres­ta­tion live de 1995.

Je ne me per­mets de trai­ter de l’en­semble de la dis­co­gra­phie, puisque je suis en pleine explo­ra­tion de ces albums que j’a­vais jus­qu’a­lors qua­si­ment igno­rés. Mais si vous vou­lez savoir com­ment une trom­pette sonne aus­si rock n’ roll, écou­tez CAKE.

Der­nière chose, CAKE (qui s’é­crit en capi­tales typo­gra­phiques), prête une atten­tion par­ti­cu­lière au desi­gn de ses pochettes d’al­bum, avec une ligne gra­phique qui donne à l’en­semble cette patte plus volon­tiers ren­con­trée sur les vieux disques vinyles. De plus, CAKE n’é­tant pas réel­le­ment popu­laire en France, leurs albums affichent des prix plus que corrects.

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