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Hot Buttered Soul : chronique d’un miracle

 

Miracle, car après les mal­heu­reuses ventes de Pre­sen­ting Isaac Hayes (1968), le second effort solo de l’ar­tiste man­qua de voir le jour. Il est pour­tant la clef de voûte de la muta­tion de compositeur/arrangeur pour Stax en artiste-inter­prète maî­tri­sant, selon son exi­gence ini­tiale, l’in­té­gra­li­té du pro­ces­sus de pro­duc­tion. C’est le chaî­non néces­saire à la muta­tion de Hayes en Moïse Noir.

La démarche d’I­saac Hayes pour son Hot But­te­red Soul (notez la mul­ti­pli­ci­té des sens pos­sibles) est pas­sion­nante en cela qu’elle balaie les inep­ties sur la ségré­ga­tion des noirs fai­sant de la musique noire et des blancs qui essaient de les imi­ter, moins bons, car frap­pés de pseu­do-culpa­bi­li­té, etc.

En effet, le com­po­si­teur qui n’a plus rien à prou­ver (avec des titres comme Hold on, I’m comin’ ou Soul Man pour Sam & Dave), sur­prend en pui­sant chez des inter­prètes en vogue dans ces années psy­ché­dé­li­santes : l’in­com­pa­rable Burt Bacha­rach et son aco­lyte Hal David, mais aus­si le sudiste Jim­my Web (By the Time I Get to Phoe­nix). Ain­si, Hayes n’est cré­di­té en tant qu’au­teur que sur un seul de ces quatre mor­ceaux gra­vés dans l’a­cé­tate : Hyper­bo­lic­syl­la­bic­ses­que­da­ly­mis­tic.

Il se révèle fas­ci­nant tant les arran­ge­ments sont sublimes. Sur Walk on by, alors que la basse du légen­daire James Alexan­der (dont il faut rap­pe­ler qu’il échap­pa à l’ac­ci­dent d’a­vion fatal d’O­tis Red­ding en 1967 de jus­tesse : il prit un vol com­mer­cial) mar­tèle la fon­da­men­tale, une orches­tra­tion luxueuse tem­père cette reprise de haute fac­ture. La gui­tare Michael Toles, débau­ché lui aus­si des mythiques Bar-Kays (qui le rem­placent par le très jeune Ver­non Burch, âgé de seule­ment 15 ans !). Quand vient la face B, c’est One Woman de Charles Chal­mers et San­dra Rhodes qui emporte tout sur son pas­sage. Le cres­cen­do est de rigueur, emme­né par le timbre bary­ton de Hayes, et un chœur fémi­nin fabuleux.

L’op­tion du thème sen­ti­men­tal et la sen­sua­li­té marque un choix esthé­tique fort, incar­né dans cette soul sati­née. Les émules de man­que­ront pas, à com­men­cer par le plus consen­suel Bar­ry White. A par­tir de là, on prend le risque de la pose. Pour Isaac, c’est chose faite, on ne revient pas des­sus (la banale presse musi­cale dirait en sub­stance : “un artiste culte, un lover”). Les chaînes de tocs et les har­nais sur la mus­cu­la­ture nue font leur effet, au risque du cli­ché. C’est le point de départ d’une grande part de l’es­thé­tique sou­vent sur­faite des artistes de soul contem­po­rains. Une sorte de figure de style ves­ti­men­taire (ou non) impo­sée. Prince, D’An­ge­lo, Raphael Saa­diq en savent quelque chose.

Mais la haute teneur musi­cale de ce disque com­po­sé essen­tiel­le­ment de reprises, tient en ce dépas­se­ment de la simple pose par un savant tra­vail d’ar­ran­ge­ment et d’in­ter­pré­ta­tion : hyp­no­tique, roman­tique, sophistiqué.

 

 

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