Avishai Cohen conquiert le Jazz Festival à La Défense
Après quelques doutes sur la météo tout au long de la semaine, c’est finalement sous un ciel radieux et un soleil de plomb qu’Avishai Cohen et son groupe ont entamé leur set.
Souvenons-nous, Avishai était déjà passé par l’esplanade en juin 2007, c’était en pleine semaine à 13h, il y avait tout au plus deux centaines de personnes amassées devant la scène, avec quelques badauds typiques de ce lieu pas vraiment chaleureux : courtiers en assurances en smoking et sandwich à la main, employés des commerces du coin… Bref, il semble qu’Avishai n’en ait pas gardé un souvenir impérissable, d’autant plus que sa prestation avait été misérablement ponctuée des coups de marteaux-piqueurs et autres bulldozers de l’immeuble en construction qui bordait la place. Tout au plus, avait-il miraculeusement réussi à retenir l’eau qui menaçait de nous tomber sur la tête (le ciel était d’un gris atroce, ce jour-là, le même que celui des tours EDF ou Total).
Cette fois, rien de cela. Avishai n’est pas venu avec son trio (Sam Barsh au piano et Mark Guiliana à la batterie), mais avec une escouade de musiciens compatriotes israéliens. Le répertoire, moins jazz, se rapproche davantage d’un grand mélange d’influences orientales et latino. Les sonorités sont inévitablement acoustiques et le son est bon (quelques ajustements inhérents aux instruments acoustiques amplifiés sont nécessaires, mais en quelques minutes le son est parfait, plein et équilibré).
Présents à l’appel : Shai Maestro (piano et claviers), Itamar Doari (percussions) Karen Malka (voix), Amos Hoffman (guitare et oud), et bien sûr notre contrebassiste, compositeur et leader (j’insiste là-dessus), Avishai Cohen.
Oui, Avishai Cohen, en plus d’être un virtuose à la contrebasse, à la basse Fender et au piano (son premier instrument), est un fantastique meneur, charismatique, à la présence physique incomparable. Je dois dire que c’est lui et le percussionniste Itamar Doari qui m’ont le plus impressionné. Ce dernier a un sens hallucinant des contrepoints, et ce bonheur d’entendre et de voir des cymbales frappées à mains nues (tiens, ça rappelle Bonham, en passant) et toute une variété de fûts en terre cuite ou en peaux.
Autre paramètre de cette performance scénique et du nouvel album Aurora : la mise en place d’un répertoire exclusivement vocal (Avishai étant accompagné par Karen Malka et Itamar Doari au chant – il sait tout faire !), avec une harmonisation remarquable. Il reprend Alfonsina y el mar, classique populaire argentin d’Ariel Ramírez et Félix Luna (hommage à la poétesse Alfonsina Storni), s’accompagnant pour l’occasion de sa seule contrebasse. Ce type et son instrument sont touchés par la grâce.
L’habituel Shalom Aleichem clôt la prestation dans une ambiance bon enfant, le soleil continue de descendre derrière la scène ; le public, lui, en veut encore. Il revient pour un Remembering poignant.
Rideau. Avishai n’a rien d’autre à prouver. Nous avons été transportés dans une terre idéale méditerranéenne pendant deux heures, chamboulés d’idiome en dialecte : hébreu, espagnol, ladino.
La suite de l’affiche, Goran Bregovic, fait grise mine à côté, mais, que voulez-vous, “c’est festif”. On esquisse quelques pas d’une gigue, le son est décidément trop lourd et finalement on se décide à boire un dernier verre à Paris.
À l’année prochaine.
httpv://www.youtube.com/watch?v=30_-eLFSvjI&feature=channel