Georg Christoph Lichtenberg
Quelques aphorismes décalés, ironiques et/ou incendiaires de Georg Chistoph Lichtenberg, réunis dans l’ouvrage Le miroir de l’âme (José Corti, collection “Domaine romantique”, 1999, traduit de l’allemand et préfacé par Charles Le Blanc), que son auteur voulût “un miroir plutôt qu’une lorgnette”. Lichtenberg vécut la second partie du XVIIIe siècle (1742 – 1799) et correspondit avec Immanuel Kant. À l’image de Spinoza, dont il rejoignit son parti du monisme (théorie de l’enveloppe de toute chose), Lichtenberg était un savant aux intérêts multiples : écriture, philosophie, physique. Il nommait le cahier où étaient consignés ces aphorismes Sudelbuch ( “livre de brouillard”, le terme d’aphorisme n’apparaissant que sous la plume de son éditeur Albert Leitzmann, philologue).
Depuis que chacun lit les fatras critiques, le bel esprit des gens produit, pour ainsi dire, l’étalon à partir duquel se juge la valeur des hommes.
L’homme est la mesure du merveilleux ; chercher une mesure générale au merveilleux, c’est l’avilir et rendre toutes choses égales à elles-mêmes.
Tout apprendre, non point pour l’afficher, mais s’en servir.
Il m’est avis que l’on devrait toujours laisser impunis les écrivains vraiment exécrables des journaux pour érudits ; les faiseurs d’articles savants tombent dans l’erreur des Indiens qui considèrent que l’orang-outan est leur semblable et prennent son mutisme naturel pour de l’obstination, qu’ils cherchent vainement à mater par de fréquentes bastonnades.
Il s’émerveillait de voir que les chats avaient la peau percées de deux trous, précisément à la place des yeux.
Cette doctrine entière ne sert à rien, hormis comme sujet de dispute.
Quelqu’un qui plagie une idée d’un auteur ancien pourrait s’excuser en invoquant la métempsycose et dire : “Prouvez-moi donc que je ne fus point déjà cet homme-là.”
L’édition de Corti est la plus courante en français, pour les plus intéressés et bibliophiles, l’édition de 1966 chez Jean-Jacques Pauvert était préfacée par André Breton, qui n’avait pas hésité à en intégrer des extraits à son Anthologie de l’humour noir, aux Éditions du Sagittaire (1940, puis 1950 pour la réédition). Au sujet de l’anthologie, l’ouvrage subit un incessant va-et-vient entre un Denoël en difficultés et bientôt suspect et le Sagittaire dont les comptes flanchent en cette période de guerre : la chronologie de l’édition de l’Anthologie de l’humour noir est disponible sur le site du libraire liégeois Henri Thyssens consacré à Robert Denoël. Toujours est-il que Simon Kra et Léon-Pierre Quint finirent par récupérer le manuscrit de Breton (1). La préface de cette anthologie était elle-même un clin d’œil explicite à Lichtenberg, Breton l’ayant intitulée “Paratonnerre”, en hommage à l’invention à laquelle le savant contribua.