Jaco Pastorius est unanimement présenté comme le premier bassiste à succès ayant “défretté” sa basse, afin de s’approcher des glissandos élastiques de la contrebasse acoustique. Pourtant, Dispatch/Box avait déjà saisi l’occasion de faire entendre le jeu de Rick Danko, le bassiste de The Band, qui utilisait une Ampeg fretless modifiée.
Pour étayer un tant soit peu l’histoire de la basse électrique défrettée, il est indispensable de revenir une fois de plus à Bill Wyman, bassiste des Rolling Stones (officiellement jusqu’en 1992, date à laquelle il s’affranchit de ses obligations contractuelles vis-à-vis du groupe).
Tout d’abord, Bill Wyman est le plus âgé des Rolling Stones, il est né en 1936, soit 7 années de plus que les Toxic Twins. On fait souvent fi des écarts d’âge, mais cela compte à bien des égards. Bill Wyman, “stone” réservé sinon effacé, a été dans la carrière avant les autres, mais pas tout à fait la même. Il a servi puis s’est engagé au sein de la Royal Air Force, ce qui lui donna la possibilité de vivre dans les territoires partagés d’Allemagne (et d’y trouver, comme Sir Paul, des instruments allemands, Framus et Höfner en tête) et d’acquérir une formation de technicien aéronautique. Son environnement musical d’origine est le vieux rhythm & blues, ainsi que le jazz, d’où le goût prononcé qu’il a développé pour les lignes en walking plutôt dépouillées et aériennes.
Néanmoins, il semble que la basse que Bill a finalement peu montrée sur scène, mais non moins emblématique du son des Stones soit une vieille basse anglaise (et non japonaise comme le prétend l’article de wikipedia) Dallas, modèle Tuxedo. Souhaitant retrouver les sensations d’un instruments sans frettes, plus analogue à une contrebasse qu’à une guitare, et Bill a eu lui-même l’idée de la défretter de façon artisanale et dilettante, ça va sans dire.
La voilà, dans son état d’origine puis redécoupée et redessinée par Bill lui-même.
Pourquoi cette explication ? J’avais émis déjà dans Bill Wyman et Travis Bean l’hypothèse que les divers endossements de marques (de Fender à Travis Bean) me semblaient peu affecter la tonalité de la basse chez les Stones : ses fidèles Dallas ou Framus étaient probablement dans le coup, les Fender et autres Travis Bean demeurant de solides destriers pour les tournées monumentales des barnums.
Les dires de Bill dans Stone Alone le confirment, puisqu’il énonce que cette basse a servi sur les enregistrements des Stones jusqu’en 1978. C’est sans conteste une de ces antiquités favorisées par Bill Wyman que l’on entend sur la plupart des disques des Stones jusqu’à la fin des années 1970.
Pour preuve éloquente, le film One+One de Jean-Luc Godard (1968), focale interne au plus près de la création de Sympathy for the Devil, montre bien Bill Wyman en compagnie de sa Dallas Tuxedo comme instrument de studio. Il ne s’agit que de l’archéologie musicologique, puisque c’est Keith Richards qui s’est chargé — comme au temps de Let’s Spend the Night Together — de jouer et d’enregistrer la basse sous l’œil à la fois complice et désemparé de Wyman. Son lot de consolation : une paire de maracas possédés et une place dans les chœurs.
Enfin, voici I Wanna Get Me a Gun (1974), issu de l’album Monkey Grip de Bill Wyman. Au milieu de danseuses sexy, Bill figure, brushing et mascara impeccables, avec sa basse fétiche, la Dallas Tuxedo.
httpv://www.youtube.com/watch?v=vCLkN1wYCxs
À lire également, de François Bon, “Bill Wyman, Cross at zebra” : <http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article2480> (consulté le 10 août 2012).
Il y est question de la complexité des rapports de Wyman “l’homme qui ne riait jamais” (un peu exagéré, Wyman rit volontiers en entrevue) avec le reste du groupe et de la rampante rivalité avec un Keith Richards s’imposant comme multi-instrumentiste créateur après le départ de Brian Jones.

Excellent article on an excellent bass !