Bembeya Jazz National, un demi-siècle de jazz guinéen
C’est l’orchestre le plus populaire de la République démocratique de Guinée fondée sous la présidence d’Ahmed Sekou Touré 2 octobre 1958. Pour mémoire, le pays avait radicalement rompu les relations diplomatiques avec la France coloniale qui s’étiolait sous De Gaulle. Dans ce contexte de “renaissance” et dans un élan d’optimiste, le Bembeya Jazz National voit le jour, constitué de virtuoses, sous la forme d’un big band à la rythmique électrique : tous ses musiciens étaient donc des fonctionnaires (croyez que ceux-là n’avaient rien d’oisifs). Une institution qui dépassera l’Afrique post-coloniale en exportant ses productions dans les territoires francophones.
C’est sous la houlette de Sekou Diabaté, alias “Diamond Fingers” que cette formation connaît le succès. A la musique mandingue qui constitue sa fondation, le Bembeya Jazz National y mélange les courants du jazz qui imprègnent son époque ainsi que les musiques cubaines. De cette acculturation naît une revendication musicale et culturelle sans précédent dans la musique moderne africaine, que l’on retrouve en symétrie dans d’autres pays africains (Nigeria, Ethiopie, Sénégal… pour n’en citer que trois).
Ce qui est d’ailleurs remarquable dans le Bembeya Jazz, c’est tant la qualité des compositions et des interprétations que la mise en scène et le véritable plaidoyer pour “ce qu’il convient d’appeler le renouveau de la musique africaine” (citation). C’est en effet avec une certaine pompe et grandiloquence que Demba Camara, maître de cérémonie, introduit les concerts. Les présentations des musiciens ne sont pas en reste.
Marqué par l’émergence des républiques africaines post-coloniales en Afrique de l’Ouest, le jazz guinéen se réapproprie, par un geste inéluctable de retour au continent ancestral, la musique transatlantique dont il est l’un des berceaux.
Pour ma part, je vous invite à découvrir Bembeya Jazz, 10 ans de succès (Éditions Syliphone Conakry), que l’on peut trouver en vinyle et dans un pressage CD de 1998, qui fait une bonne synthèse de l’esprit de cet orchestre du renouveau musical guinéen dans les années 1970.