Basses guitares ou guitares basses ? Instruments non orthodoxes !
La basse peut se métamorphoser, on le sait, elle n’est pas statique (malgré les orthodoxes qui inondent les forums de l’Internet avec des considérations du genre : “un bassiste, ça joue aux doigts, pas au médiator, et sur 4 cordes”, la musique a aussi ses staliniens).
Elle a parfois besoin de dépasser l’accordage en quartes habituellement restreint à quatre cordes (mi, la, ré, sol : EADG en anglais) qui lui vient directement de la contrebasse.
En effet, bien avant que ne naissent les basses cinq cordes, familièrement classées dans les instruments qualifiés d’ “extended range” (tessiture étendue, plus souvent vers les graves : en standard un Si grave, plus rarement un Do aigu, comme le fait le jazzman Steve Swallow), les industriels de l’instrument électrique on su proposer des modèles de guitares baryton, c’est-à-dire six cordes accordées de la même manière qu’une guitare mais une octave en dessous (Mi, La, Ré, Sol, Si, Mi : EADGBE en anglais) : une manière d’inciter les guitaristes à transposer leurs doigtés tout en exploitant un registre grave.
En ce sens, il n’est pas surprenant que John Entwistle (The Who), qui se considérait comme “bass guitarist” plutôt que “bass player” ait un temps utilisé ces types d’instruments (une Fender Bass VI et une Danelectro – conçue en 1956 et qui a inspiré le registre de la première, lancée sur le marché en 1961 –, cette dernière possédait en effet des cordes de guitares filées ronds et résonant avec le timbre long et harmonique de la corde de piano : cette découverte allait le pousser à développer avec le fabricant anglais Rotosound le type de corde de nos jours partout utilisé et réputé pour sa clarté, sa définition harmonique et surtout sa puissance percussive). Au niveau du diapason (“échelle” : la distance séparant le sillet de tête et le chevalet et va conséquemment définir l’espace entre chaque frette), elle se situe entre la guitare et la basse : 30 pouces (plus exactement, 2 de plus qu’une guitare standard et 4 de moins qu’une Fender Bass), soit la même taille qu’une basse à diapason court !! (des basses courtes comme des guitares et des guitares longues comme des basses, ça paraît étrange, mais ça participe à la variété des textures sonores!).

Ces instruments ont d’ailleurs connu une demande telle de musiciens que les compagnies en ont relancé la production : Fender a fabriqué une quantité limitée de Fender Bass VI, mais à une plus grande échelle des Jaguar Baritone assemblées sur le site mexicain. Danelectro n’est pas en reste : ils ont relancé la production des 56′ Baritone et Longhorn Baritone en Asie.


Jack Bruce en a aussi tiré avantage en enregistrant le fameux Disraeli Gears du mythique Cream (bien qu’il reste associé à la mythique Gibson EB3, dite “SG basse”), avant de s’orienter vers la basse fretless (les anciens violoncellistes tombent souvent dans la fretless!). Ladite Fender VI de Jack Bruce a d’ailleurs été repeinte artisanalement dans une composition chamarrée psychédélique (elle est d’ailleurs plus fameuse pour son côté “customisé” que ses qualités musicales intrinsèques).

Et puis, il y a les Beatles. Ils l’ont pas mal utilisée sur Let it Be, Lennon et Harrison préférant assurer les parties graves sur un instrument plus proche de leurs guitares que sur une quatre cordes Höfner ou Rickenbacker. On peut même entendre la piste de basse de Let it Be doublée par une deuxième basse solo qui n’est autre qu’une guitare Baryton Fender Bass VI.
Enfin, avec la New Wave, Robert Smith tisse (le spiderman du Lullaby) ses arpèges filtrés de chorus et autre flanger : l’exploitation des mediums/aigus de la guitare baryton confère aux mixes cette atmosphère indolente, éthérée. Cet instrument n’est que rarement joué en accords, c’est dans l’intrications de lignes solos qu’elle excelle. Les guitares baryton ont également une bonne réaction aux distortions de type fuzz (écouter I me mine du regretté George Harrison, sur Let it Be, 1970).
Et pour finir avec les instruments non-orthodoxes de chez Fender, la Fender Bass V, utilisée entre autres par John Paul Jones (toute une tournée de Led Zeppelin en 1973, John Paul Jones appréciait l’extension au Do aigu de l’instrument) et James Jamerson (à ses heures perdues, sans doute un cadeau).
