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Clavinet, le clavier funky
C’est le clavier le plus “funky” (disons, un des plus adaptés aux rythmes dansants) de la musique électronique moderne. Conçu par la firme germanique Hohner (à ne pas confondre avec Höfner), autrement connue pour ses harmonicas (dont le basique et classique “Marine Band”), il a été inventé par Ernst Zacharias. Il reprend alors le principe du clavicorde (apparenté à la famille des clavecins), selon deux temps : une mise en vibration de la corde, puis l’arrêt de la résonance par un système d’étouffoir de feutre ou de laine. Il en résultait donc un son bref, incisif, nasal et percutant. Le reste, c’est-à-dire essentiellement l’amplification, était assurée par un dispositif de…
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La contrebasse selon Berlioz
Hector Berlioz, dans son Traité d’instrumentation (édition revue et augmentée de 1855, Henry Lemoine & Cie Éditeurs), aborde, dans le chapitre dédié aux cordes, le rôle de la contrebasse. Il est intéressant qu’il situe la contrebasse dans l’orchestre comme un instrument devant être pleinement pensé par le compositeur. En effet, la contrebasse est un instrument sur lequel il est difficile d’être véloce (encore bien davantage qu’au violoncelle, qui lui comporte la difficulté des doigtés causée par l’accordage des cordes en quintes), sans aller jusqu’au dédain qui saisit le contrebassiste de Süskind. Sans être trop simplificateur, le compositeur doit penser à l’exécution sur cet instrument, notamment lorsqu’il s’agit d’apporter des…
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Edgar Willis, Barry Rillera et Ray Charles jouent Fender
C’est une publicité d’époque de Fender, Edgar Willis est l’un des premiers bassistes de rhythm and blues à adopter la basse Fender en complément de sa traditionnelle contrebasse. Contrebassiste natif de Pittsburgh, il intègre l’orchestre de Ray Charles, l’évolution des instruments amplifiés dans la musique afro-américaine le poussant à cette conversion. Le modèle est une Fender Jazz Bass typique de 1966, ce qui nous permet de dater de façon assez certaine cette réclame. Edgar Willis est un grand nom mais il est bien oublié. Il suffit de voir l’article an anglais sur Wikipedia, qui tient en une ligne.
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Les Clowns de François Cervantès
Quelle heureuse surprise, quel spectacle tonitruant, ça se passe en ce moment au théâtre de la Cité Internationale.On oscille entre théâtre et cirque. Bonaventure Gacon apporte son approche particulière à cette composition, à travers le personnage du Boudu qu’il s’est construit, qui le fait rencontrer Dominique Chevallier, hilarant, et la fantastique Catherine Germain dans son personnage du Clown Arletti. Nos trois clowns nous emmènent d’abord dans quelques scènes de comique de situations aussi déjantées les unes que les autres, avant d’annoncer, telle une métafiction, qu’ils sont “au théâtre”, que cela est impressionnant et qu’un public de spectateurs venus nombreux est là pour en témoigner : ils décident alors, livrets à…
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Retour en URSS : gloire du Soviet Rock et de Viktor Tsoï
J’ai beaucoup de difficulté à donner un titre à ce billet. Au commencement, le 15 janvier 2013 (c’est dire mon assiduité à l’écriture), j’imaginais ni plus ni moins qu’une hagiographie, mais la tentation de l’album-souvenir m’en a tenu éloigné. Huit lignes très exactement étaient donc en jachère. Depuis, j’ai pu lire l’excellent livre de Joël Bastenaire, Back in the USSR – Une brève histoire du rock et de la contre-culture en Russie, paru récemment chez Le Mot et le Reste, dans la collection “Attitudes”. Autant dire d’emblée que c’est le genre de livre que j’aurais rêvé de lire quand j’avais 15 ans (c’est-à-dire au milieu des années 1990). Malgré des…
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Hommage à John Lennon par Ewa Natkaniec
Affiche de la polonaise Ewa Natkaniec aperçue en août 2011 au musée de l’affiche du Palais de Wilanów à Varsovie. C’est une très belle collection d’affiches contemporaines abordant tant le cinéma, la musique, l’art, que des sujets de société.
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Shuggie Otis, Sixto Rodriguez : deux sentiers de la perdition
Ce n’est probablement pas une comparaison qui tombe sous le sens : seule la concomitance de ces retours inespérés nous donnent l’occasion de gloser. Je veux parler de Shuggie Otis et de Sixto Rodriguez. Qu’ont-ils vraiment en commun ? Pas l’âge, en tout cas, puisqu’onze ans les séparent. Ce qui est énorme quand on a vingt printemps. Certainement une approche œcuménique des courants musicaux qui traversèrent leur temps et qui fondent cette respiration éthérée qu’ils partagent. Tous deux puisent dans le folk rock, quitte à se faire étiqueter un peu vite psyché-rock. Mais Rodriguez s’ancre dès l’origine dans le protest song (le qualificatif me pique les yeux, tout comme la comparaison du Figaro…
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Raphael Saadiq et l’Univox Eagle Bass
Les articles les plus brefs sont peut-être les plus plaisants. J’ai assez longtemps cherché l’origine de l’étrange basse qui a longtemps accompagné Raphael Saadiq sur scène (jouée également par “Danny McKaye” sur scène – il s’agit de Daniel Aged de Inc.), avant qu’il ne soit “endorsé” par la marque Performance. J’ai toujours pensé, de loin, qu’il s’agissait d’une étrange Fender constituée de pièces éparses sévèrement burinées. Mon hypothèse la plus plausible était qu’elle était constituée d’un corps en acajou d’origine inconnue et d’un manche de Jazz Bass en érable dont on aurait décoré la tête en harmonie avec la finition acajou naturelle. Il n’en est rien : c’est une Eagle Bass…
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Hot Buttered Soul : chronique d’un miracle
Miracle, car après les malheureuses ventes de Presenting Isaac Hayes (1968), le second effort solo de l’artiste manqua de voir le jour. Il est pourtant la clef de voûte de la mutation de compositeur/arrangeur pour Stax en artiste-interprète maîtrisant, selon son exigence initiale, l’intégralité du processus de production. C’est le chaînon nécessaire à la mutation de Hayes en Moïse Noir. La démarche d’Isaac Hayes pour son Hot Buttered Soul (notez la multiplicité des sens possibles) est passionnante en cela qu’elle balaie les inepties sur la ségrégation des noirs faisant de la musique noire et des blancs qui essaient de les imiter, moins bons, car frappés de pseudo-culpabilité, etc. En effet,…
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Le massage musical de Leon Ware
Leon Ware n’apparaît pas comme un nom familier pour qui n’est pas aussi monomaniaque que moi. Il n’en reste pas moins un remarquable compositeur, puisqu’il est l’orfèvre d’un de mes titres préférés interprétés par Marvin Gaye, I Want You. Ware, natif de Detroit (“Motor City”) employé par Berry Gordy (aux manettes de Motown), devait rester un faiseurs de chansons mais guère plus, comme en témoigna l’absence de promotion totale pour son premier opus solo, Musical Massage (1976). Avec I Want You, Marvin Gaye trouvait la transition idéale après un Let’s Get it on suave, enregistré entre les deux pôles Motown de l’époque (Detroit et Los Angeles). Si ce dernier…