André Breton, lieux (2)
Voilà le second extrait de Breton (souvenez-vous, le premier était un extrait de Nadja), provenant de son ouvrage Les vases communicants (1932), qui évoque la monumentale porte de Saint-Denis comme une manifestation du hasard objectif. Le passage précède de quelques dizaines de pages l’évocation du Palais idéal du Facteur Cheval.
Breton appuie sa fascination, en un rapide rappel, par l’ ”aspect centrifuge” que la porte partage avec un autre point d’attirance, i.e. la tour Saint-Jacques. Cette vision médiumnique inspirera sans le moindre doute la dérive situationniste et son explicite hypothèse des plaques tournantes dans la théorie psychogéographique. La ville, terrain d’expérimentation, devient un laboratoire d’idées.
L’extrait qui suit est tiré de l’édition de poche de la collections (regrettée) “Idées” chez Gallimard (1973).
Cédant à l’attirance que depuis tant d’années exerce sur moi le quartier Saint-Denis, attirance que je m’explique par l’isolement des deux portes qu’on y rencontre et qui doivent sans doute leur aspect si émouvant à ce que naguère elles ont fait partie de l’enceinte de Paris, ce qui donne à ces deux vaisseaux, comme entraînés par la force centrifuge de la ville, un aspect totalement éperdu, qu’elles ne partagent pour moi qu’avec la géniale tour Saint-Jacques, je flânais vers six heures dans la rue de Paradis, quand l’impression que je venais de passer sans bien le voir devant un objet insolite me fit revenir de quelques mètres sur mes pas.