Marvin Gaye vu par Michael Eric Dyson
L’ouvrage Marvin Gaye, L’ange de la soul a paru en 2006 chez Naïve, Hoa Nguyen en a assuré la traduction.
Ce livre me laisse un peu mitigé malgré la teneur des témoignages et la richesse du matériau oral.
À ma surprise, Dyson, par ailleurs pasteur baptiste, semble avoir écarté le filtre d’une herméneutique pseudo-évangéliste pour nous livrer un portrait sans fard de Marvin, n’hésitant pas à évoquer les questions de la luxure, des drogues, du trouble psychique (entre autres). Il trace notamment le portrait décomplexé d’un homme sexiste et volontiers ouvertement homophobe.
L’auteur est allé trouver les éléments qui permettent de reconstruire la trame des affects qui ont façonné l’œuvre sonore de Marvin Gaye, en soulignant sa virtuosité peu connue à la batterie et aux claviers. Un fort éclairage sur sa relation avec Tammi Terrell, sa partenaire de chant injustement emportée par une tumeur au cerveau à l’âge de 24 ans, permet de mieux saisir les circonstances d’écriture et l’état de Marvin quand il revint à la scène en 1973.
Le texte aborde selon, disons, trois grandes perspectives – esthétique (style, fondations soul, background social), sexualité et érotisme et spiritualité – la vie et l’œuvre de l’ “ange de la soul”. Le dernier chapitre tente de poser le concept d’afrœdipianisme pour éclairer la chute et le meurtre de Marvin par son révérend de Père (oui, qui est le Father, Father ? Celui qui ôte la vie telle qu’il l’a donnée n’est pas ici forcément l’Éternel).
Quant à la postface, autant dire de suite qu’elle m’est tombée des mains : elle invite de façon peu adroite au syllogisme entre Marvin Gaye et (horreur) R. Kelly, sur la base d’une affinité sensuelo-religieuse. La translation manque cruellement d’argument, on se prend les pieds dans un tapis de miel poético-religieux, de rédemption facile, si facile qu’elle en évoque directement le tout aussi mièvre et dépitant “I believe I can fly, I believe I can touch the sky”.
Du reste, l’ouvrage tient quelques promesses sur les dimensions esthétiques et développe les prémices d’une théorie de l’afrœdipianisme (double punition de l’enfant par le Père, répétant le geste de punition et d’humiliation esclavagiste sur l’enfant noir) .
Il est loin d’être parfait, mais lisez-le quand même !