Le théâtre du crime et la bibliothèque sanglante
Crimes à l’Élysée, c’est l’enfer !
Le Musée de l’Élysée de Lausanne présente, avec l’importante collaboration de l’Institut de police scientifique (IPS) de l’université Lausanne, une exposition de photographies d’un genre très particulier. Il s’agit de présenter l’imagerie photographique comme outil de science criminelle de premier plan, en insistant sur le rôle fondamental de Rodolphe A. Reiss (1875 – 1929), professeur fondateur de l’IPS en 1909.
L’exposition fait, comme on pouvait s’y attendre, grand bruit du fait du caractère voyeur de l’objet de ces collections de photographies. Le Musée de l’Élysée semble désireux d’attirer des visiteurs en surfant sur la vague de la photo “choc”, à l’instar de la précédente exposition itinérante “Controverses” qui a ensuite pris le chemin du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France. Il va donc de soi que : “âmes sensibles, s’abstenir”. C’est une exposition qui met en effet mal à l’aise, le sujet n’est évidemment pas d’une gaîté folle, on se prendrait presque à s’accuser d’une sorte de curiosité sordide, celle qui pousse à feuilleter Le Nouveau Détective (l’hebdo-torchon-type populiste des affaires macabres révélées au grand public pour s’assurer qu’au milieu de ce monde de bêtes sinistre il existe encore des gens bien et propres sur eux, avec des partis pris sans ambages du style : “des magistrats libèrent les mangeurs d’enfants”, etc.).
Toujours est-il que l’exposition est bien construite, la muséographie apparaît agréable et le lieu s’y prête. Vous en apprendrez large sur la dactyloscopie, mise au point par Edmond Locard sur les bases du travail anthropométrique d’Alphonse Bertillon (le fameux “bertillonnage”, rassemblait dans une sorte de tableau analytique, tous les éléments nécessaires à l’identification), qui fut par ailleurs maître de R. A. Reiss et fondateur du premier laboratoire de police scientifique de Paris, aux prémices de l’INPS.
Plus étonnant encore : les procédés scientifiques de revivification des visages de cadavres à des fins identificatoires. Bien que jouant sur l’analogie spécieuse crime = meurtre dans la communication autour de l’exposition, le Musée de l’Élysée présente pourtant dans ce parcours des photographies de cambriolages (perçage des portes, crochetage, ouverture de coffres forts au chalumeau).
Un polar non-fictionnel
Sur le même sujet, un article du dernier Télérama par Gilles Heuré brosse le portrait de la “bibliothèque sanglante”, i.e. les archives de la préfecture de police, dont le dépôt jouxte le musée de la Préfecture de police, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève à Paris 5e. Ce sont neuf kilomètres de rayonnages qui attirent un public de chercheurs aux objets variés. Celles-ci racontent la face obscure du Paris des coupe-gorges et autres Bois de Vincennes. D’ailleurs, l’article est en ligne sur le site Internet de Télérama, qui suggère également quelques lectures au sujet des affaires criminelles.
À propos de l’exposition “Le Théâtre du crime”, un dossier de presse complet est consultable sur le site du musée.