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“Willie Weeks Y’all!”

The Badest bass player in the coun­try, Willie Weeks y’all !

C’est de cette manière enthou­siaste (avant même de com­men­cer à par­ler, il lâche un “Ha !” appro­ba­teur) et sans équi­voque que le légen­daire Don­ny Hatha­way (non pas légen­daire parce que mort trop tôt et bru­ta­le­ment, mais parce que tou­ché par la grâce, CQFD) fait l’é­loge de ce jeune bas­siste pro­dige venu de Salem­burg, North Carolina.

Willie Weeks n’a que 25 ans lors­qu’il accom­pagne, en bas­siste dis­cret mais d’une soli­di­té héri­tée tout droit de Jamer­son, le trou­blant et trou­blé Don­ny Hatha­way. Il l’a racon­té lui-même, cette invi­ta­tion de l’im­pé­tueux Don­ny Hatha­way le pré­sen­tant comme le bas­siste “le plus chan­mé” du pays, lui a col­lé un sacré défi cette nuit-là. Don­ny a lan­cé le thème du mor­ceau Voices inside (Eve­ry­thing is Eve­ry­thing), qu’il va décou­per en quatre par­ties. Avant lui, Don­ny, après un pre­mier mou­ve­ment intro­duc­tif (au cours duquel il impro­vise un cho­rus de Fen­der Rhodes mémo­rable), a déjà don­né voix au cha­pitre aux excel­len­tis­simes gui­ta­ristes Mike Howe et Cor­nell Dupree (qui offi­ciait éga­le­ment auprès de Cur­tis King, comme indis­pen­sable ingré­dient de son Mem­phis Soul Stew, Dupree étant une sym­pa­thique syn­thèse du génie mélo­dique de Grant Green, de l’éner­gie de Steve Crop­per et de l’in­tré­pi­di­té racée d’Al­bert King).

Willie Weeks

Dès lors, le jeune Weeks a conscience qu’il ne peut pas se trom­per. À la hui­tième minute du thème, il doit démar­rer léger un solo qui va s’é­ti­rer lan­gou­reu­se­ment jus­qu’à la dou­zième minute . Son ins­tru­ment, selon toute source vrai­sem­blable, serait une Fen­der Pre­ci­sion Bass de 1962 : des basses pro­fondes, au “clic” carac­té­ris­tique des cordes filées plat rehaus­sé par le petit “truc” du bout de mousse glis­sé sous les cordes. Une tech­nique qui per­met de faire res­sor­tir la fon­da­men­tale des notes, à une époque où les moyens de faire entendre la basse (“cou­per le mix”, dit-on) étaient rudi­men­taires. Weeks est tout le contraire de Pas­to­rius (bas­siste super­star qui révo­lu­tion­ne­ra la basse moderne, qui aspi­re­ra à lui seul toute l’at­ten­tion por­tée à l’ins­tru­ment)  : humble, timide, en retrait, un son tout en rete­nue et à la fois lourd, bref, le side­man idéal. Weeks pré­fère opé­rer en pla­çant des syn­copes secrètes dignes des plus grands stra­tèges, plu­tôt que sau­ter à pieds-joints sur sa basse. Arrê­tons là la com­pa­rai­son inaprop­priée entre un bas­siste de ses­sion funk/soul et un bas­siste-arran­geur de fusion superstar.

Willie Weeks se remémore :

“It’s incre­dible. Eve­ryw­here I go some­bo­dy knows my name. It’s not like with Michael Jack­son — I don’t get mob­bed — but I am famous, and I like it. It’s as incre­dible as that night Don­ny said, “On bass, ladies and gent­le­men, the bad­dest bass player in the coun­try — Willie Weeks, y’all!” I’m like, Oh, my God ! What did he say ? What am I going to do ? I thought, I’d bet­ter build slow!”

(C’est incroyable. Par­tout où je vais, quel­qu’un connaît mon nom. Ce n’est pas com­pa­rable à Michael Jack­son — on ne m’as­saille pas — mais je suis célèbre, et j’aime cela. C’est d’au­tant plus incroyable que ce soir-là, Don­ny dit “A la basse, mes­dames, mes­sieurs, le bas­siste le plus ter­rible du pays — Willie Weeks !” Et là, je suis là, Oh mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il raconte ? Qu’est-ce que je vais faire ? J’ai pen­sé qu’il valait mieux construire len­te­ment)

Enfin, Weeks démontre une chose. On peut pla­cer très peu de notes, mais rude­ment effi­caces sur un mi majeur 7e sta­tique. La cohé­sion d’en­semble du groupe, excep­tion­nelle ce soir-là, ouvre la voie au mythe qu’est deve­nu ce LP.

Réfé­rence dis­co­gra­phique : Don­ny Hatha­way – Live (1972 ; Atco Records)

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