Bob Babbitt
Il est né Robert Kreinar à Pittsburgh (Pennsylvanie), on dit de lui qu’il fût un ancien catcheur. Après une adolescence passée à étudier la musique classique, Bob Babbitt apprend la contrebasse du haut de ses 15 ans (il est déjà, à cette époque, d’une corpulence impressionnante) et joue dans l’orchestre de son lycée puis dans de multiples pubs. Deux ans plus tard, à l’occasion d’un concert, il découvre les possibilités infinies offertes par la puissance de la basse électrique Fender et décide, clairvoyant, d’échanger sa grand’ mère acoustique contre une Fender Jazz Bass (à laquelle il préférera finalement la Fender Precision Bass).
Puis, c’est le départ pour Detroit, quelque 400km plus loin. Il y exerce le travail qu’un homme de sa stature peut supporter : les chantiers de construction lui permettent de vivre sa passion musicale la nuit, en s’immisçant progressivement dans les clubs de jazz, rock n’ roll, blues/RnB. Il forme avec quelques musiciens le groupe instrumental The Royaltones qui connaît un succès qui dépasse le cadre de la région, tel que Del Shannon les recrute comme son orchestre permanent.
Cette solide carte de visite, et une expérience de la route et des sessions studio confirmée, lui vaut d’être repéré par Berry Gordy, qui a besoin d’un bassiste solide pour seconder le virtuose James Jamerson sur la route, auprès du jeune “little” Stevie Wonder, en 1968. Souvenons-nous, 1967, c’est l’heure des plus belles compositions et des chromatismes syncopés les plus savoureux par Jamerson et Babbitt : Uptight, For Once in my Life, I Was Made To Love Her, Signed, Sealed, Delivered…
httpv://www.youtube.com/watch?v=inXC_lab-34&feature=related
Babbitt, c’est aussi les pistes que Jamerson n’a pu honorer sur le mythique What’s going on de Marvin Gaye : Mercy, Mercy Me, Inner City Blues (Make Me Wanna Holler). Bien qu’extrêmement empreint de la marque de son aîné (qui le regardait avec un œil méfiant de concurrent blanc dans la maison de la pop noire, et finit par lui montrer quelques marques de sympathie), le style de Babbitt est plus coulant, doux que celui très physique de Jamerson. Ses aptitudes musicales en feront le remplaçant et le seul Funk Brother à avoir secondé Jamerson sur Detroit (d’un côté, ce dernier luttait contre les démons de la bouteille, aussi la délocalisation de Motown sur Los Angeles engendra un recours fréquent à l’habilité à la basse d’un saxophoniste chevronné : Wilton Felder, le meneur des Crusaders).
Enfin, s’il ne fallait en retenir qu’un (le solos sont rares chez ce type de bassiste plutôt en retrait, assurant les fondations), le titre Scorpio du guitariste Dennis Coffey et son Detroit Guitar Band (petit aparté : Coffey vient de faire un passage au Jazz Festival de Paris-La Défense en pleine semaine et en pleine journée – sic !) contient un chorus de la main de Bob Babbitt époustouflant.
Une légende relatée par Nate Watts dans le film Standing in the Shadows of Motown (2002) fait de cette œuvre une condition de recrutement pour un bassiste sur Detroit à l’époque (“if you couldn’t play that solo from Scorpio, you couldn’t get a gig ! you couldn’t get a gig !” )
httpv://www.youtube.com/watch?v=JBISLdPrdLE