Carole King : Tapestry, une tapisserie pop
Jusqu’à cette période où elle commença réellement sa carrière solo d’interprète, Carole King réservait ses compositions à quatre mains (avec son ex Gerry Goffin) pour d’autres, à l’instar des tandems Ashford & Simpson (Motown) ou Leiber & Stoller (Sun, Atlantic, A&M…).
Tapestry, donc, figure comme le chef d’œuvre de Carole King : un jeu de mots entre tapestry (tapisserie) qui évoque un matériau sous forme de fresque, que l’on déroule, et le terme tape, qui renvoie à la musique enregistrée sur bandes magnétiques. C’est en 1971 que paraît l’album sur le label Ode Records, sous la houlette de Lou Adler.
Pour réaliser cet opus, Carole King s’entoure de ses musiciens fidèles, Danny Kortchmar à la guitare, Russ Kunkel à la batterie et son compagnon de l’époque à la basse électrique et à la contrebasse, Charles Larkey. Ce dernier participe d’ailleurs aux arrangements de cordes frottées à l’archet. Parmi les convives, on retrouve également Merry Clayton, la choriste soul au don d’ubiquité et dont la voix dérailla sur le Gimme Shelter des Rolling Stones.
La splendide photographie, où Carole King pose près d’une fenêtre, tenant nonchalamment une broderie, pendant que le félin minaude, illustre à merveille le caractère inévitablement introspectif et intemporel du disque.
La présence lumineuse des amis Joni Mitchell et James Taylor confère à ce disque une aura particulière, où l’amitié et l’amour ont toute leur place, comme en témoignent les titres phares You’ve Got a Friend (repris dans l’année même par Donny Hathaway sur son légendaire Live au Troubadour) et Will You Love Me Tomorrow, d’abord offert au trio féminin The Shirelles en 1960. On retrouve également le titre cédé à Aretha Franklin (You Make Me Feel Like) A Natural Woman, devenu depuis son hymne même ou encore Smackwater Jack, honoré par Quincy Jones qui le reprend lui-même et en fait le titre de son disque paru dans le courant cette même année 1971.
Je reçois avec beaucoup de perplexité les commentaires émis sur ses capacités vocales. A l’inverse, sa voix éraillée, imparfaite, authentique mais pleine d’âme rehausse cet album intimiste, magnifié par la beauté simplissime de sa voix et son piano. En témoigne son interprétation pour la BBC en 1971 de son émouvant Will You Still Love Me Tomorrow.