Patrice Rushen : don’t forget her not(e)s
C’est à seulement 19 ans que Patrice Louise Rushen publie son premier album de jazz groovy, intitulé Prelusion, en 1974 chez Prestige Records.

Des débuts jazz précoces
Un album entièrement instrumental, qui reprend la figure de l’odyssée groovy, comme ont pu le faire quelques années auparavant l’organiste Jimmy Smith (pensons au mémorable Roots Down) ou Grant Green sur son groovy Live at the Lighthouse, voire même le Kool Jazz de Kool and The Gang.
Pour ce qui est des musiciens présents sur l’album, tenez-vous bien, le casting est de qualité :
- Patrice Rushen – voix, piano, piano électrique Rhodes, synthétiseur ARP, clavinet
- Tony Dumas – basse électrique, contrebasse
- Leon “Ndugu” Chancler – batterie, arrangements rythmiques
- Kenneth Nash – percussion
- Joe Henderson – saxophone tenor
- Hadley Caliman – flute, flûte alto, saxophone soprano
- Oscar Brashear – trompette, bugle
- George Bohanon – trombone

Vers le smooth jazz
Smooth jazz s’entend ici au sens américain, c’est-à-dire sans le sens péjoratif français de “jazz soporifique d’ascenseur” : un jazz dansant, empruntant si nécessaire à l’électronique, réel chaînon entre le R&B et la musique électronique. Enchaînant plusieurs albums animés par l’ère funk-jazz (les Head Hunters de Herbie Hancock, George Duke, Weather Report…), Patrice Rushen se voit bénéficier de moyens par le label Elektra / Asylum. Elle a toute latitude pour mener à bien un projet de musique au format R&B plus populaire et dansant. C’est le début de la très fructueuse collaboration de Patrice Rushen avec le bassiste de studio et compositeur Freddie “Ready” Washington. Maladroitement qualifiée de musique “disco”, cette musique est un R&B typique du tournant années 1971 – 1980 : rythmiques chaloupées, dansantes, basse slappée, pianos et sections cuivres survoltées, le tout dans des arrangements d’une grande intelligence.
Le tandem Rushen/Washington
Par ailleurs, tout au long de ces cinq albums au format volontairement plus commercial (Patrice, Pizzazz, Posh, Straight from the Heart, Now), donc compatible avec la programmation des radios, Patrice Rushen fait ses débuts de chanteuse. Influencée par Quincy Jones, Stevie Wonder et Michael Jackson, Patrice Rushen gardera les aspects instrumentaux et épiques, comme le prouve le titre “dynamite” Hang it up. Ces formules rythmiques explosives, où la voix et les claviers de Patrice Rushen trouvent naturellement leur place (Fender Rhodes et pianos), figurent parmi les plus célèbres extraits échantillonnés dans le hip-hop et ses dérivés.
La réédition de 2019 des années Elektra
Réjouissons-nous. Alors que les rééditions cd émanaient principalement du Japon (les japonais sont de grands amateurs des époques et des tendances passées que nous négligeons, un fait culturel et social qui mériterait peut-être plusieurs études sérieuses), le label californien Strut Records réédite cette période funky de Patrice Rushen sous le titre Remind Me : The Classic Elektra Recordings 1978 – 1984. Ce coffret comprend les albums originaux remastérisés à partir des bandes originales, des singles au format 12″, une interview et des photographies inédites.

C’est certain, nous ne l’oublierons pas !